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Aussitôt après que la sentence eut été prononcée, M. de Bedée se tourna vers sa femme et lui dit, avec autant de calme que de dignité :
" Nous avons vécu quarante ans ensemble, Madame, et c'est la volonté de Dieu que nous ne soyons pas séparés à la mort. " - Mme de Bedée, dont l'attitude démontrait le courage, répondit " qu'elle était prête à accepter en tout la volonté de Dieu ". - Mgr Brute, qui raconte cette scène émouvante, ajoute : " Je n'étais pas présent à ce jugement, mais les faits me furent racontés en grands détails le jour même et la dignité des deux époux fit une vive impression (2). "
Une fois les condamnés ramenés dans leur prison, M. de Bedée, raconte l'abbé Carron, écrivit à son fils "les plus sages conseils pour l'animer à demeurer invariablement attaché à la foi de ses pères ". Il ajoutait : " Quand vous recevrez ma lettre, vous n'aurez plus de père, de mère, de précepteur. On va vous prendre votre bien. La grâce de Dieu vous reste, soyez-y fidèle (3).

 

 

Fidèles à eux-mêmes jusqu'à la fin, raconte le même auteur, les condamnés repoussèrent énergiquement le ministère d'un prêtre assermenté qui prétendait les exhorter à la mort. Ils lui reprochèrent avec tant de force ses erreurs, que, depuis ce jour, ni lui, ni ses confrères n'osèrent plus s'adresser aux confesseurs de la foi.
Quant à l'abbé Tostivint, écrit le chanoine Guillotin de Corson, dont nous suivons ici textuellement la narration, il ne cessa de se montrer à la hauteur de sa divine mission. Il donnait à ses amis le sublime exemple de la plus parfaite conformité à la volonté de Dieu et sa grandeur d'âme ne se démentit point.
Arrivé au pied de l'échafaud, voyant M. et Mme de Bedée effrayés à la vue de l'horrible instrument de. supplice, M. Tostivint, qui devait être exécuté le premier, demanda et obtint de l'être le dernier, afin de pouvoir encourager ses amis. Il les exhorta jusqu'au dernier moment en leur montrant le Ciel, et, quelques instants après, il reçut lui-même le coup de la mort.
L'abbé Chilou, qui avait été condamné à périr avec M. Tostivint et les époux de Bedée, bien qu'il n'y eût aucun rapport entre son affaire et celle de ces derniers, fut guillotiné en même temps qu'eux. (Cf. p. III)
Voici le procès-verbal de cette quadruple exécution, tel qu'il figure sur les Registres de l'Etat Civil de Rennes : " Le 8 thermidor, l'an II de la République une et indivisible (le samedi 26 juillet), quatre heures du soir, devant moi, officier public soussigné, a été reçue la déclaration par écrit de Le Grand, concierge des prisons de la Porte-Marat, du décès de Alexis Bedée, Toutivint (sic), Michel Chilou et Françoise Brunet, femme du susdit Bedée, tous les quatre morts ce jour sur la place l'Egalité de cette ville.
 
 
 
 
 
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(1) La pétition de la municipalité de Landujan lut signée par Perrouault, maire, Texier, secrétaire Pierre Cbeze, Jacques Thomas, François et Antoine Tostivint, Charles Guillaume, Joseph Nouyon, Piqueru, agent national et Jean Chauvin (M. de l'abbé Guihard, cité par M. G. de Corson).
(2) Souvenirs de la persécution révolutionnaire à Rennes (Revue de Bretagne et de Vendée, t. IX, p. 228).
(3) Ce fils se conforma assez bien aux recommandations suprêmes de ses parents. Voici ce que nous lisons en effet dans Th. MURET, Histoire des guerres de l'Ouest, Paris, 1848, t IV p. 290. " Le père et la mère de M. Bedée du Moulin-Tizon, officier de la Division de Bécherel, avaient péri sur l'échafaud pour avoir caché un prêtre. Un jacobin du pays, appelé Jean Rolland, s'était installé dans la maison qu'ils n'avaient quittée que pour la prison et la mort. Cet homme fut saisi par les Chouans et amené devant le fils orphelin: "Son compte est bon, se disaient-ils ; mais M. Bedée le renvoya sain et sauf. Quittes au plus tôt, lui dit-il, la maison que tu as usurpée et tâche de ne pas te laisser prendre une seconde fois. "