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Arrêté à son domicile le 14 du mois d'août 1792, M. Besnard fut incarcéré à Saint-Melaine, puis déporté d'office à Jersey, par Saint-Malo, le 14 septembre suivant (Cf. p. 6 et n). Son passage aux îles anglo-normandes fut marqué par la plus effroyable tempête : " Placé près de lui sur le même bâtiment, où, pendant une nuit entière, nous nous voyions souvent à l'instant de périr, raconte M. Carron, son compagnon d'infortune, nous étions en présence de ce juste et nous eûmes occasion d'admirer sa paix, sa sérénité, son sang-froid, au milieu d'un tumulte et de cris occasionnés par la frayeur, par l'entassement des passagers dans un espace étroit et nous l'étudiâmes durant ces heures si longues de ténèbres et d'effroi : jamais une seule parole de plainte ne sortit de sa bouche.
Il ne se permettait de rompre le silence que pour nous préparer à tous les événements, pour nous animer à la confiance en Dieu, pour nous montrer cette aimable Providence, notre ineffable ressource, sans la permission de laquelle nous ne perdrons jamais un cheveu de nos têtes."Ce bon prêtre ne put se résoudre à demeurer inactif sur la terre étrangère, alors que tant de catholiques fidèles manquaient de ministres pourtour administrer les secours de la religion. Deux mois environ après son arrivée à Jersey, M. Besnard affronta de nouveau, sur une barque fragile, les rigueurs de la traversée, vers la fin de novembre 1792.
Il mit pied à terre sur le déclin du jour aux environs de Cancale, ne s'y arrêta pas et gagna l'intérieur du. pays. Il séjourna entre autres à Hermitage-Mordelles, où il se faisait passer pour ouvrier agricole, travaillant le jour, à l'instar de saint Paul, pour s assurer son pain, et la nuit accomplissant son saint ministère auprès des âmes.
Afin de lui permettre de circuler plus librement, il prit même un passeport, le 16 mars 1793, auprès de la municipalité de l'Hermitage. Nous y relevons le signalement suivant : "Taille 5 pieds 1 pouce, cheveux, sourcils et barbe châtains, yeux bleus, nez aquilin, bouche moyenne menton court et fourché, front carré, visage ovale et plein, marqué de petite vérole. "
S'étant mis en route, nous ne savons au juste dans quel but, M, Besnard fut arrêté le 26 mars i793, vers les 8 heures du soir par une patrouille, alors qu'il cheminait aux environs de Combourg. Le dossier de M. Besnard conservé aux Archives d'Ille-et.Vilaine, sérieB, sous le n° 188 parmi les actes du tribunal criminel d'Ille-et-Vilaine, bien qu'assez complet, ne contient plus cependant certains documents qui ont été copiés autrefois par un abbé Guihard et partiellement reproduits par M le chanoine Guillotin de Corson. Nous croyons que parmi ceux-ci figure l'interrogatoire que subit alors M. Besnard, soit devant la municipalité de Combourg, soit devant les administrateurs dolois.En tout cas, voici cette pièce dont nous n'avons aucune raison de douter de la véracité, car elle rentre admirablement dans le ton et la manière des réponses de M. Besnard que nous publierons plus loin:
A lui demandé quels étaient les lieux où il s'est retiré depuis son débarquement ?
-A répondu que la loi sacrée de la reconnaissance ne lui .permettait pas de le dire.
A lui demandé où il a été arrêté et d'où il venait au moment ?
-A répondu qu'il avait été arrêté à Combour par le factionnaire du corps de-garde de la garde nationale, environ les 8 heures du soir et qu'il venait d'un endroit assez éloigné qu'il ne pouvait également nommer sans manquer à la reconnaissance ; que, pour lors, il tenait à-peu-près la route d'Aubignë à Combour.
A lui demandé s'il ne portait pas quelques effets ?

-a répondu qu'il était porteur d'un bissac où il y avait quelques effets à son usage tels que deux boîtes d'étain renfermant des saintes huiles, un petit portefeuille contenant un linge qu'on nomme corporal, quelques feuilles de papier timbré...... l'Imitation de Jésus en latin et un rituel.

A lui demandé s'il ne portait pas d'autres effets ?
-A répondu qu'il avait un mouchoir de poche, une tabatière, une paire de chaussons, un habit de la Vierge, un crucifix, un reliquaire, un chapelet, un couteau et quelqu'argent ou pièces de monnaie faisant à-peu-près la somme de trois livres.
A lui demandé quelle route il comptait tenir lors de son arrestation ?
-a répondu qu'il comptait passer par Dol, Saint-Meloir et s'en retourner ensuite à Saint-Hilaire-des-Landes, voir sa sœur qui y réside.
A lui demandé quelle conduite il tenait depuis sa rentrée en France, s'il n'y était point venu pour continuer ses fonctions, s'il ne disait pas la messe, et ne confessait pas ça et là nuitamment ?
-a répondu qu'il s'était occupé de manière à se croire irrépréhensible devant les hommes et, autant qu'il avait pu, irrépréhensible devant Dieu ; et quant aux fonctions sacerdotales, que l'interrogateur outrepassait ses droits en lui faisant cette question.
Interrogé quelles étaient ses intentions en rentrant en France ?
-a répondu qu'il avait les intentions les plus pures et telles qu'on pouvait les désirer.