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- Il se garda également de tout ce qui aurait pu
dans ses réponses compromettre des tiers, et son
interrogateur, n'en pouvant tirer aucun renseignement
vraiment intéressant, prit le parti de le faire
reconduire en son cachot ; puis il dressa son rapport et
le fit parvenir au directeur du jury d'accusation du
district de Rennes, (nous dirions aujourd'hui le
président de la chambre de mises en
accusation).
- Celui-ci fit subir le 25 novembre un nouvel
interrogatoire à l'abbé Besnard, lequel ne
nous apprend rien de nouveau concernant cet
ecclésiastique; puis le 10 décembre, le
jury d'accusation, réuni au complet, décida
de renvoyer ce prêtre devant le tribunal criminel.
Sans doute, les textes n'étaient pas très
clairs à son égard, mais les juges
révolutionnaires étaient hommes de
ressources, et donner à une loi un effet
rétroactif n'était pas pour les effrayer,
quand il s'agissait de se débarrasser d'un "
prêtre fanatique ".
- Après avoir subi pour la forme un nouvel
interrogatoire d'identité, fort bref du reste, M.
Besnard, dont le mauvais état de santé
avait retardé, au dire de l'abbé Carron, la
comparution devant le tribunal criminel
d'Ille-et-Villaine, se présenta enfin devant ces
juges de sang. On lui reprocha, rapporte l'abbé
Carron, d'avoir porté sur lui des " signes de
rébellion et de fanatisme prohibés par la
Loi ", qui consistaient en l'image du Cur de
Jésus et l'image du Cur de Marie (2) :
- " Je rends grâces à Dieu,
répondit-il à ses juges, de mourir pour
avoir porté ces signes de ma foi et de ma
confiance. "
- M. Besnard fut condamné à mort comme
convaincu d'avoir été (en qualité
d'insermenté) légalement
déporté sans espoir de retour, et
d'être depuis rentré sur le territoire de la
République. On eut l'audace de lui faire
l'application rétroactive des articles V et VI de
la loi des 29 et
- 30 vendémiaire an II (20-21 octobre 1791) pour
justifier la peine capitale qu'on voulait lui faire
subir.
- " II avait encore les jambes enveloppées de
vésicatoires lorsqu'on l'entraîna au
supplice; et son extérieur calme et recueilli
recelait, à son insu, rapporte M. Carron,
l'ineffable paix dont jouissait sa sainte âme.
Jusqu'à son dernier moment, il s'entretint du ciel
avec une digne fille de Saint-Vincent-de-Paul, et elle
nous a montré, dit- l'abbé
précité, le crucifix qu'il portait souvent
à ses lèvres, en exprimant les sentiments
d'amour dont son cur était consumé
pour Jésus-Christ. Comme il avançait vers
le théâtre de ses dernières
souffrances, il rencontra deux habitants de la paroisse
de Pléchâtel ; il leur dit, mais avec un
sentiment difficile à rendre, qu'il allait mourir
pour la foi de Jésus-Christ. "
- Nous n'avons pu retrouver l'acte de
décès de cet admirable confesseur de la
Foi, qui ne figure pas sur les registres de l'état
civil de Rennes, mais il nous suffit, pour justifier sa
mort, de reproduire ici l'inscription qui figure en marge
de son registre d'écrou, mentionnant sa sortie de
prison. La voici : " J.-B. Besnard, exécuté
le 17 pluviôse an II républicain, ou le 5
février 1794 "
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- (1) Manuscrit de l'abbé
Guibard. - Certaines des réponses de M. Besnard
noua inclineraient à croire que l'auteur, dont
nous reproduisons le texte, aurait extrait une partie de
celui-ci de l'interrogatoire que subit M. Besnard devant
le juge d" paix Laisné. Cf. p. 24 et
sq.
- (2) L'inventaire des effets de
M. Bwnard, p. 31, signale en effet deux curs
entrelacés surmontés d'une
couronne.
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