- Représenté au dit Besnard qu'il est
sous le coup de la loi qui punit de mort les
prêtres réfractaires, soit
émigrés, soit déportés, qui
rentrent dans la République française
?
- -a répondu qu'il ignorait la punition
portée par la loi, et que d'ailleurs sa
rentrée en France était antérieure
à cette loi ; qu'en cas qu'il fut soumis à
la peine de mort, il ferait volontiers à Dieu le
sacrifice de sa vie, qu'il bénirait la main qui
devrait le frapper, et que son dernier soupir serait pour
demander que les Français ne fissent plus qu'un
peuple de frères, que tels avaient toujours
été ses sentiments et qu'il espérait
les conserver jusqu'au tombeau.
- A lui demandé s'il savait qu'il y eût
d'autres prêtres comme lui rentrés en
France, et s'il avait connaissance du lieu qu'ils
habitaient ?
- -a répondu qu'il était
étonné de que son interlocuteur
voulût le forcer d'être le
dénonciateur de ses confrères (1).
- Aux termes de l'article XVI de la loi du 26
août 1792, la peine qu'encourait M. Besnard en
rentrant à cette époque sur le territoire
français était celle de dix ans de
détention. Il était justiciable, à
cette occasion, du tribunal criminel et nous connaissons
plusieurs prêtres dans son cas, qui furent
jugés et condamnés à cette peine par
le tribunal voisin des Côtes-du-Nord.
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- Un ecclésiastique, auquel nous avons
consacré les pages 439-441 du tome Ier de notre
Histoire du Pays de Dinan, l'abbé Julien Margely,
lors de son arrestation à Saint-Briac le 5 mars
1793, à son retour de Jersey, ne connut même
pas un traitement aussi rigoureux, car, après que
l'on eut quelque temps discuté sur son cas, il fut
enfermé à Rennes, le 21 juillet de cette
année, à la maison de réclusion de
la Trinité. Aussi avouons-nous ne pas comprendre
pourquoi l'on tint vis-à-vis de M. Besnard une
conduite toute différente ? Faut-il croire que
l'apostolat que ce zélé
ecclésiastique exerça auprès de ses
compagnons de captivité irrita au plus haut point
les révolutionnaires rennais et les
détermina à chercher par tous les moyens
l'occasion de le perdre ?
-
- En tout cas, l'abbé Carron nous a
conservé la teneur d'un billet,
rédigé à Rennes par M. Besnard dans
la prison de la Porte-Marat où on l'avait
incarcéré le Ier mai 1793. On y verra
combien sont édifiants les sentiments qui
l'animaient : " J'ai enlevé, dit-il, les noms de
l'atlas. Ne m'envoyez rien, ni personne, jusqu'à
ce que je ne vous écrive moi-même. Ne venez
point voir vos amis ici; dans ce moment, qui est de
fureur, ne vous compromettez pas, ménagez-vous
pour le strict nécessaire. La prudence l'est
aussi. Faites-en usage, mais ne devançons point
les moments marqués par la Providence. Que ces
trois vertus marchent de front. Je suis condamné
pour quinze jours au secret le plus inviolable, -pour
avoir épargné un sacrilège à
un (prêtre) intrus.
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-
- On a, dit-on, opiné pour le " bloc ". Dieu m'a
épargné cette épreuve. Je lui rends
grâces, car on assure que M. Picot a eu les doigts
des mains et les talons rongés des rats pendant
qu'il était au "bloc ".
- Le Seigneur connaît ce qui nous est le plus
utile ; il ne me l'est pas sans doute d'être
mutilé par les rats avant ma mort. La maladie fait
des progrès rapides. Beaucoup meurent là
où il ne peut pénétrer de
prêtres. Adorons les desseins de notre Maître
et faisons ce que nous pouvons pour le salut de nos
frères, en le priant que, par sa grâce, il
supplée à celle des sacrements dont ils
sont privés. "
- Le 2 mai 1793, après avoir
décidé que le cas de M. Besnard ne pouvait
tomber sous l'application de la loi du 18 mars
précédent, laquelle n'avait
été promulguée à Rennes que
le Ier avril suivant, le tribunal criminel
d'Ille-et-Vilaine renvoya cet ecclésiastique
devant l'un des juges de paix rennais, magistrats dont la
compétence était alors beaucoup plus
étendue qu'aujourd'hui. Ce dernier laissa passer
presque six mois entiers avant d'interroger le
prisonnier. Seule l'annonce de la loi fatale des 20-21
octobre 1793 le fit sortir de sa passivité.
- C'est le 24 octobre 1793 que M. Besnard comparut
devant le juge de paix Lesné. Son interrogatoire,
que nous reproduisons intégralement aux
pièces officielles, est à lire d'un bout
à l'autre. Le confesseur de la Foi affirma
hautement sa qualité de prêtre catholique
romain, son droit à jouir de la liberté de
conscience garantie par la Constitution et refusa de
répondre, au nom de cette même
liberté de conscience, à toute question qui
pouvait intéresser le ministère qu'il avait
exercé depuis sa rentrée en France.
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