- Lorsque le Comité de surveillance de
Saint-Malo eut appris la présence de
Barthélémy Oger dans la rue de la
Vicairerie, il fit faire aussitôt une perquisition
chez Melle de Gennes, mais on n'y trouva point de
prêtre. Une méchante femme vint alors
à l'aide des persécuteurs et leur
déclara avoir vu, par le trou d'une serrure, le P.
Barthélémy mangeant à la table
d'Angélique Glatin ; cette fois, on était
bien sur la piste : le pauvre religieux et sa pieuse
hôtesse furent arrêtés le 15 thermidor
an II (2 août 1794).
- Les deux prisonniers furent immédiatement
conduits devant le Comité de surveillance de
Saint-Malo. On déposa sur le bureau quelques
pièces d'argent espagnol qu'on avait
trouvées sur le P. Barthélémy ainsi
qu'un calice et sa patène. Ces derniers objets,
aussi bien que les ornements sacerdotaux saisis avec eux
chez Melle Glatin, appartenaient au dernier doyen du
Chapitre de Saint-Malo, Camille Goret de Villepepin, qui,
après s'être assermenté, vivait alors
ignoré aux environs de Paris.
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- L'interrogatoire que les juges du tribunal de
Saint-Malo firent ensuite subir aux deux prisonniers
mérite d'être retenu, car leurs
réponses sont dignes des martyrs des premiers
siècles de l'Eglise. Il est fort regrettable que
Guillotin de Corson, qui a eu entre les mains le
manuscrit de l'abbé Guihard où elles
étaient consignées, ne nous en ait
conservé que les extraits que voici :
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- Q. N'avez-vous pas d'autre nom que
celui de Barthélémy ?
- R. Il n'est pas nécessaire de dire son
nom pour aller mourir.
- Q. Où avez-vous passé
votre temps depuis votre débarquement ?
- R. Cela ne se dit pas.
- Q. Avez-vous prêté le
serment exigé par la loi?
- R. J'en étais très
éloigné.
- Q. Pourquoi vous êtes-vous
caché chez la Glatin ?
- R. Crainte d'être pris, connaissant la
haine que vous portez aux prêtres et ayant
l'honneur de l'être.
- Q. Pourquoi avez-vous dit la messe chez
la Glatin ?
- R. Parce que c'était un bien.
- Q. L'avez-vous dite souvent ?
- R. Autant que j'ai pu, mais pas au gré
de mes désirs.
-
- Les réponses d'Angélique Glatin sont
peut-être encore plus belles et dénotent
chez cette femme un courage héroïque ; aussi
le Comité de surveillance de Saint-Malo disait-il
d'elle : " Cette pieuse aristocrate est tellement
fanatisée qu'elle n'appréhende nullement le
sort qui lui est destiné. "
-
- Q. Depuis combien de temps cet ennemi
de la patrie était-il caché dans ta maison?
- R. J'avais le bonheur de posséder ce
bon religieux depuis longtemps.
- Q. Pourquoi as-tu reçu ce
prêtre chez toi?
- R. Parce qu'il était poursuivi sans
avoir fait aucun mal; je l'ai fait pour la religion et je
le ferais encore si c'était à faire.
- Q. Qui donc a-t-il baptisés ou
mariés chez toi?
- R. C'est un secret que je ne dévoilerai
jamais, dût-on cent fois me mettre à la
torture.
- Q. Qui fournissait aux besoins de ce
prêtre réfractaire?
- R. Moi-même, et j'y aurais
sacrifié jusqu'à mon dernier sou.
- Q. Femme impudente, ne sais-tu pas
qu'il y a une loi qui défend de receler les
prêtres insermentés?
- R Je sais que vous avez des lois à
vous, moi j'ai ma conscience et la loi de Dieu.
- Q. Que faisait chez toi le citoyen
Barthélémy? -
- R. Il faisait, et je lui ai aidé
à faire, tout le bien que nous avons pu; il a
baptisé, il a confessé, il a marié,
il a fait faire grand nombre de premières
communions.
- Q. Ce prêtre disait donc la messe
dans ta maison?
- R. Oui, il la disait souvent et je ne l'aurais
pas gardé s'il ne l'avait pas dite.
- Q. Quelles sont les personnes qui
allaient à sa messe ?
- R. Je n'ai rien à dire à cet
égard.
- Des réponses aussi nettement
chrétiennes ne pouvaient attirer sur ceux qui les
faisaient qu'une condamnation à mort;
néanmoins le tribunal de Saint-Malo renvoya les
prisonniers devant le Tribunal criminel de Rennes, avec
cette lettre adressée au président :
- Frère et ami.
- Je t'envoie deux fanatiques : il est urgent qu'ils
subissent ici leur jugement. C'est le vu du peuple
et de son représentant pour servir d'exemple.
Leurs conducteurs ont ordre de les attendre pour les
ramener, accompagnés de l'exécuteur.
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