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Je te pardonne
 
Au district, on m'a dénoncé,
C'est pour me faire emprisonner,
Mais du mépris naîtra ma gloire,
C'est ma victoire.
On me poursuit avec ardeur.
Ah ! que de fatigue et de sueur !
On vient me prendre en ma chaumière,
Dans ma misère.
Au même instant, on me saisit.
Au Directoire on me conduit,
Avec pompe et magnificence,
En diligence.
Sitôt que je fus arrivé,
On commence à m'interroger.
La solitude on me destine,
Je la désire.
Dedans cette aimable maison,
Que l'on appelle la prison,
Au même instant, on me renferme,
Chose certaine.
Huit jours ne sont pas écoulés,
Contre moi on a prononcé,
Et je deviendrai la victime
De tant de crimes.
On vient m'avertir sans façon
Qu'il faut sortir de la prison,
Pour aller au lieu de supplice.
Ah ! quels délices !
Mon procès est déjà jugé,
II faut qu'il soit annoncé.
La guillotine est mon partage.
Quel avantage !
Frappe, bourreau, frappe ton coup.
Du ciel ne crains pas le courroux.
De tout mon cœur, je te pardonne
A ta personne.
Mon Dieu, je ne l'ai point mérité,
C'est l'effet de votre bonté,
Que de savoir ma dernière heure.
Ah ! que je meurs.
Vole, mon âme, vers ton Dieu.
Ne crains pas de quitter ce lieu.
Vole au ciel chanter les louanges
Du Roi des Anges.
Vous tous qui perdez vos sillons,
Souffrez la persécution ;
Vous aurez le ciel en partage.
Quel avantage !
 
Charles Saint-Pez, Prêtre fidèle à l'Eglise, Guillotiné à Saint-Malo, le 14 mai 1794

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