- Il a confessé, administré et
exercé furtivement les fonctions
ecclésiastiques depuis cette rentrée
dans les diverses communes qu'il parcourait
nuitamment, pour fanatiser et nuire à
l'affermissement de la République, qu'il a
été saisi avec des linges appelés
purificatoires, une boîte d'hosties et une
peinture connue pour être un signe de ralliement
des contre révolutionnaires fanatiques.
Qu'enfin il ne s'est pas conformé à
l'article 14 de la loi des 29 et 30
vendémiaire, en se rendant auprès de
l'administration du département soit du lieu de
sa naissance, soit du lieu de son domicile pour
être déporté au terme de l'article
12.La commission militaire, chaque membre ayant
énoncé successivement son avis
motivé, est d'avis à l'unanimité
que Saint-Pez, ex-curé, sujet à la
déportation, est convaincu d'avoir
rentré et résidé sur le
territoire de la République, en contravention
aux lois ci-devant rapportées.En
conséquence ordonne, qu'il sera livré
à l'exécuteur des jugements criminels et
mis à mort, demain à midi, sur la place
de la Révolution, déclare les biens de
Saint-Pez confisqués au profit de la
République
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- et arrête que le présent sera
imprimé et affiché par tout où
besoin sera, au nombre de cent exemplaires.
L'exécution devait avoir lieu le lendemain, au
matin. Les détails en sont horribles à
lire. Cependant M. Carron (8) assure
l'authenticité parfaite du récit qu'il
nous en a conservé. Tresvaux du Fraval (9) a
reproduit la narration de M. Carron en en rajeunissant
le style : nous transcrivons ici cette page
émouvante:
- Le bourreau, homme atroce, en allant à la
prison pour faire les apprêts de son supplice et
lui couper les cheveux, eut la barbarie de lui couper
aussi les oreilles et le mit tout en sang, mais M.
Saint-Pez ne dit pas un mot. En sortant pour aller
à la mort, il remarqua que deux gendarmes le
serraient de très près. Il leur dit avec
bonté en même temps qu'avec force :
Croyez-vous donc que je voudrais m'échapper !
Non, marchons, je ne crains pas la guillotine.
- Pendant le trajet qu'il fit de la prison à
la place Saint-Thomas où devait avoir lieu
l'exécution, il ne parut occupé que de
Dieu et son esprit semblait être
déjà au ciel. Arrivé au pied de
l'échafaud, il adressa ces paroles à
quelqu'un qui voulait l'aider à monter : " Je
n'ai pas besoin qu'on m'aide, je monte seul à
l'autel. "
- Le bourreau en le liant sur la planche lui donnait
de grands coups de genoux et l'apostrophait ainsi :
Calotin, tu ne m'échapperas pas. II le serrait
avec tant de violence, qu'il arracha au patient un cri
de douleur, qui fut bientôt suivi de ceux de "
Vive Jésus ! Vive Marie ! Vive le Roi ! "
- Soit maladresse, soit raffinement de
cruauté, le bourreau fit tomber une
première fois le fatal couteau qui n'enleva
seulement qu'une partie du visage de Saint-Pez. Une
seconde fois, il ne coupa seulement qu'une partie de
la tête. Alors un cri d'indignation
s'éleva parmi les assistants, et un militaire
s'avançant le sabre à la main vers le
bourreau, dit à ce misérable :
"Scélérat, si tu n'achèves, je te
plonge mon sabre dans le corps. " Ce ne fut
qu'à la troisième fois que tomba la
tête de M. Saint-Pez. On juge combien un pareil
supplice dut être cruel." C'est en vain qu'on
cherche trace, aux registres de l'Etat Civil de la
mairie de Saint-Malo, de l'exécution de
l'abbé Saint-Pez.
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- Mais son dossier déposé aux Archives
d'Ille-et-Vilaine, en conserve la mention suivante,
consignée à la suite du texte du
jugement que nous avons donné : "
Soussignés, membre et secrétaire de la
commission militaire, certifions avoir vu mettre le
jugement des autres farts à exécution,
sur la place de la Révolution de cette commune.
A Port-Malo, ce 25 floréal, an second de la
République Française une et indivisible,
à midi. " Signé : CORBEL,
secrétaire ; RIVIÈRE.
- A la suite de la biographie de M. Saint-Pez,
l'abbé Canon rapporte plusieurs miracles
opérés par l'intercession de ce saint
prêtre, dont le souvenir, écrivait en
1900 le chanoine Guillotin de Corson, dans ses
Confesseurs de la Foi, est resté justement en
vénération à Roz-Landrieux, sa
paroisse natale, où l'on chante encore une
émouvante complainte racontant ses derniers
instants.
- Je te pardonne.
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